L’article 1130 du Code civil prévoie que lorsque le consentement d’une personne à entrer dans un contrat avec une autre est vicié par une erreur, un dol ou une violence, celle-ci serait en droit de demander l’annulation du contrat.
Il s’agit des trois traditionnels vices du consentement connus en droit français.
Mais, quelle est la solution lorsque le contractant est abusé par un état de faiblesse inné en lui et que son partenaire connaît parfaitement et en profite ?
Les exemples sont nombreux : une personne réputée dans son milieu comme très naïve et crédule, une autre personne qui a une passion déchaînée, démesurée, pour une autre, etc.
Nous parlons, bien entendu, d’une personne qui possède toutes ses facultés, qui jouit de son entière capacité d’exercice, et nous mettons de côté les personnes soumises ou susceptibles d’être soumises à une procédure d’incapacité des majeurs.
Comment traiter un contrat dont l’une des parties a été poussée à conclure mais en raison d’une « faille » dans son esprit, dont le partenaire-opportuniste s’est basé et a « joué dessus » ?
Reprenons les deux exemples les plus évidents :
Une personne réputée notoirement comme étant légère, qui ne prend pas les choses très au sérieux, qui s’engage sans mesurer l’étendue de ses obligations.
Nous frôlons, certes, le droit des incapacités, mais pas totalement, car la personne jouit de tout son discernement mais est atteinte d’une certaine naïveté.
Dans le second cas, un homme, qui, au moment où il souhaitait refaire sa vie, tombe sous le charme d’une femme très coquette, qui l’aborde et qui le séduit.
La femme, sachant pertinemment que cet homme était très fortuné, lui tourne autour et par un jeu de séduction, il tombe follement amoureux d’elle au point de l’épouser au bout de deux semaines de relation amoureuse seulement.
Plus encore, il lui lègue la quasi-totalité de ses biens, alors qu’il avait deux enfants avec sa première femme.
Dans ces deux exemples, le vice du consentement ne fait aucun doute pour le lecteur, n’est-ce pas ?
Et bien, malgré ces vices évidents, le Code civil français, dans sa mouture actuelle, ne protège pas ces deux pauvres contractants, du moins pas directement avec un instrument ad hoc, spécifique.
Dans le cas de l’homme victime du jeu de séduction, les héritiers pourraient faire invalider les libéralités consenties à cette femme, sur la base de la lésion aux droits des héritiers réservataires.
Deux autres solutions pourraient également être recherchées dans les principes généraux du droit civil, qui sont le principe de bonne foi (i) (article 1104), qui impose au contractant une certaine dose de loyauté et d’honnêteté vis-à-vis de son partenaire, principe que nous envie la Common Law qui ignore un tel instrument.
L’autre principe qui peut venir à la rescousse de ces personnes infortunées est le principe général de fraude (ii), qui permet de faire tomber les machinations de toutes sortes visant à tirer un profit de manière très indélicate au détriment du cocontractant, si les faits sont établis bien sûr.
Et, pour faire un peu de droit comparé, le Code civil algérien prévoie expressément ce vice du consentement, qu’il dénomme « l’exploitation » dans son article 90, en ces termes :
« Si les obligations de l’un des contractants sont hors de toute proportion avec l’avantage qu’il retire du contrat ou avec les obligations de l’autre contractant et si il est établi que la partie lésée n’a conclu le contrat que par suite de l’exploitation par l’autre partie de sa légèreté notoire ou d’une passion effrénée, le juge peut, à la demande du contractant lésé, annuler le contrat, ou réduire les obligations de ce contractant… ».
L’article pose visiblement deux conditions cumulatives afin d’admettre par le juge l’annulation du contrat :
Un critère objectif : qui est que les obligations de la victime de l’exploitation soient hors de proportion avec l’avantage qu’elle tire du contrat ou avec les obligations du contractant « prédateur » (la définition rappelle singulièrement celle des clauses abusives) ; et
Un critère subjectif : c’est l’exploitation d’une situation de « légèreté notoire » ou d’une « passion effrénée ».
Même si les contours de ces expressions n’ont pas encore été précisés par la jurisprudence algérienne, elles demeurent assez claires dans leur sens.
Et il appartiendra donc au demandeur victime de cet état de faiblesse de le mettre en évidence, bien entendu par tous moyens puisqu’il s’agit d’un fait.
Les exemples de ces situations sont divers, notamment, en ce moment, beaucoup de dossiers devant les tribunaux français, sur la base du mariage dans lequel un homme ou une femme a été « dupé » par son conjoint, dans la mesure où l’intention de se marier de ce ou de cette « opportuniste » était fictive : cette personne souhaitait simplement tirer profit de l’institution du mariage, sans volonté réelle de fonder un foyer.
Nous pouvons citer, aussi, les arnaques sur Internet, qui foisonnent actuellement, et qui exploitent la crédulité de certains internautes, etc.
Enfin, lorsque les manœuvres sont plus matérialisées et évidentes, le contrat peut être plus facilement annulable sur la base du dol, et, éventuellement, de son pendant pénal, le délit d’escroquerie.
Et, dans ce cas, la victime peut, outre l’annulation du contrat, prétendre à obtenir des dommages et intérêts.
Mehdi BERBAGUI
Avocat
Comment sanctionner les nouvelles formes de prédations contractuelles en droit civil français ?
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